Vieillesse : entre dépendance et maladie d’Alzheimer

La vieillesse est-elle synonyme de dépendance ou de maladie d’Alzheimer ? 

La vieillesse fait peur, car elle est assimilée à la dépendance et à la maladie d’Alzheimer. S’il est vrai que démence et dépendance sont plus fréquentes au grand âge, le grand âge ne prédit, en rien, l’avènement de ces situations.

Aujourd’hui, dans cet article, on continue de poser les bases : on s’attaque au préjugé selon lequel la vieillesse est égale à la dépendance ou à la démence.

Mon propos sera court et direct, nous allons nous plonger dans la démographie de la vieillesse afin de relativiser le poids de ses affections au regard de l’ensemble des personnes âgées. Il ne s’agira pas de nier l’importance et la gravité de ces situations que sont la dépendance et la démence, mais de montrer que la réduction de la vieillesse à ces éléments, est erronée. Et qu’on ne peut pas comprendre ce qu’être vieux, si l’on prend compte uniquement ces éléments.

Petit rappel :

  • Il y a 15 millions de personnes âgées de plus de 65 ans en France. Notons que le statut de personne âgée est octroyé administrativement aux personnes de plus de 65 ans par l’Insee, mais en ce qui concerne l’APA, l’aide personnalisée à l’autonomie, elle s’adresse aux personnes âgées, à partir de 60 ans. Pour ma part, je pense que la vieillesse n’est pas une question d’âge, mais ça sera l’objet d’un autre épisode.
  • Ces 15 millions de personnes âgées représentent 20 % de la population française. Quand on parle de vieillissement de la population, c’est parce que cette part augmente.
  • L’espérance de vie à la naissance est de 78 ans pour les hommes et 83 ans pour les femmes. Mais, si vous atteignez ces âges, votre espérance est encore de 9 ans pour les hommes et 10 ans les femmes. Et si vous atteignez à nouveau ces âges (90 ans) vous voilà avec encore avec 4 d’espérance de vie pour un homme et 5 pour une femme. Nous sommes donc bien dans l’ère de la longévité. Nous vivons vieux, voire très vieux, et avec cet âge avancé, les risques de démence et de dépendance s’accroissent.

Pour autant :

  • il y a 1,2 million de personnes en situation de dépendance, c’est-à-dire qu’ils bénéficient de l’Aide Personnalisé à l’Autonomie.
  • 1 million 200 mille personnes, ça parait beaucoup, ça ne représente néanmoins que 8 % des personnes de plus de 60 ans.

Vous pourriez penser que ce chiffre est faussement bas parce qu’il prend en compte des jeunes retraités qui sont encore très en formes.

Regardons alors les personnes de plus de 85 ans. Elles sont 20 % à être en situation de dépendance. 1 sur 5. C’est bien sûr beaucoup plus que 8 %, mais cela reste beaucoup moins que l’impression que l’on peut avoir quand il est question des personnes âgées.

Vous pourrez retrouver toutes ces données sur le site solidarités-santé.gouv.fr

Le même phénomène entoure la question de la démence et notamment de la maladie d’Alzheimer. C’est la maladie d’Alzheimer qui cristallise la question des démences puisqu’elle représente entre 60 et 70 % de l’ensemble des démences.

Cette maladie touche en France 900 000 personnes. Encore une fois, ça paraît énorme, et ça l’est, mais ça ne représente que 6 % des personnes âgées. Encore une fois, il n’y a pas de quoi réduire les vieux à cette démence.

Si l’on regarde les plus 85 ans, ce taux monte à 15 %, 1 personne sur 6. Encore une fois, c’est beaucoup, mais cela reste encore trop peu pour dire qu’être vieux, c’est être dément.

Entendons-nous bien, la dépendance et la démence sont de vrais sujets, qu’il faut traiter à toutes les échelles possibles. Mais à focaliser l’attention sur ces sujets, au point que l’on considère la vieillesse comme la dépendance ou la démence, nous prenons le risque de nous désintéresser des autres vieux. De la majorité silencieuse qui pourtant constitue la réalité de la vieillesse. De ceux qui doivent vivre avec le poids de leur âge sans bénéficier ni de l’attention ni des ressources qui leur permettraient de mieux vivre cette vieillesse, et peut-être éviter d’entrer dans la dépendance.

Je pourrais m’arrêter là pour aujourd’hui, mais j’aimerais vous proposer de réfléchir aux raisons de ce phénomène de réduction de la vieillesse à la dépendance ou la démence. Il me semble que c’est en comprenant ces mécanismes que nous pourrions les maîtriser.

Trois mécanismes conduisent à cette réduction de la vieillesse à la dépendance.

  • Le premier, c’est que les politiques publiques sont centrées sur la question de la dépendance, car c’est ce qui coûte de l’argent. Les soins, l’APA, les frais d’hébergements en établissements constituent une part très importante du budget « vieillesse » et sont directement liés à la dépendance. L’avènement de l’ère de la longévité entraîne un accroissement du nombre de personnes dans ces situations, là où les recettes de l’état sont limitées par le phénomène démographique de vieillissement de la population. Il faut choisir ces combats, et l’état part au plus urgent, les personnes en situation de dépendances. L’avènement de la rhétorique de l’Autonomie (Caisse nationale de l’autonomie, résidence autonomie, conférence des financeurs, etc.) laisse supposer une volonté d’agir avant la dépendance. Mais les vieux concernés sont-ils réceptifs ?
  • Et c’est là le second mécanisme qui entraîne ce préjugé, la dépendance (comme la démence) fait peur. Et comme les politiques publiques ont fait des politiques vieillesses des politiques de gestion de la dépendance, ce préjugé vieillesse = dépendance est bien ancré. Et la réaction des premiers concernés, les vieux non-dépendants, est de se défendre d’être vieux. Le vieux, c’est l’autre, pas moi. Demain, nous essayerons de briser ce tabou. En attendant, cette peur de la vieillesse entraîne un refus d’être vieux et rend ces personnes hermétiques à toute action labellisée « vieillesse ». D’ailleurs, notre secteur en est un exemple flagrant : on ne parle plus du secteur de la gérontologie ou de l’aide aux personnes âgées, mais de silver économie !
  • Que faire ? La solution pour moi est, ce que j’essaye de faire ici, redéfinir ce qu’est la vieillesse, loin des préjugés de la vieillesse dépendance ou d’une vieillesse idéalisée.
  • Troisième mécanisme qui entraîne cette vision erronée de la vieillesse : les aidants. Dans la dépendance ou la démence, le rôle des aidants est particulièrement important. De fait, ce n’est pas seulement 900 000 personnes qui sont touchées par la maladie d’Alzheimer, ce sont ces 900 000 personnes et tout leur aidant, soit deux à trois fois plus de personnes. Là où la plupart des vieux se débrouillent relativement seuls, ou le rôle des aidants, s’il est bienvenu, reste faible, ici ce n’est pas du tout le cas : l’aidant est une nécessité pour l’un, un devoir pour l’autre. Cette solidarité, si elle est magnifique, est aussi épuisante pour l’aidant, qui de plus en plus revendique un droit au repos et cherche des soutiens pour faciliter cette mission. La médiatisation autour de ce besoin des aidants conduit, elle aussi, à cette réduction de la vieillesse à la dépendance. Le problème, c’est que cette médiatisation est nécessaire, il ne faut donc pas qu’elle s’arrête, même si elle renforce le préjugé que je dénonce ici. Comment faire alors ? Je ne sais pas encore. Je n’ai pas encore résolu cette question, mais si vous, vous avez des idées, je suis preneur, écrivez-moi ou laissez un commentaire pour qu’on en discute.

Que retenir de tout ça ? La vieillesse ne se réduit ni à la dépendance ni à la démence. Ces situations sont certes plus fréquentes chez les personnes âgées, mais ne touchent qu’une minorité de ces dernières. Ce préjugé nuit aux personnes âgées non dépendantes ou non démentes. Elles se retrouvent en dehors de toutes attentions alors que les contraintes liées à l’âge auxquelles elles doivent faire face sont d’ores et déjà particulièrement impactantes. Je plaide pour un regard factuel sur la vieillesse, sans préjugés ni tabou.

Et justement, dans le prochain épisode, nous attaquons à un tabou, le mot vieux !

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